samedi 16 janvier 2010
LE GANG DE LA WEST COAST
Il était une fois une équipe, la plus talentueuse de tous les Etats-Unis. Elle avait l’effectif le plus riche et un des meilleurs maîtres à jouer de l’histoire. Mais un jour, le seigneur qui les gouvernait décida de s’en aller et de laisser ses 14 garçons livrés à eux-mêmes. C’est alors qu’un ancien archer se proposa pour guider ces talents à la dérive. Malheureusement, les jeunes Suns se rendirent vite compte que l’archer était guidé par la folie, mais il était déjà trop tard. L’archer avait démoli le groupe qu’il prétendait vouloir porter vers les sommets.
Oui, ça commence comme un conte de fées, mais le prince charmant n’est toujours pas au rendez-vous. Steve Kerr a massacré les Suns, et transformé l’équipe la plus bandante de ces dernières années en une franchise anonyme incapable de se qualifier pour les playoffs 2009. On peut à juste titre jeter la pierre à l’ancienne gâchette des Bulls pour l’ensemble de son œuvre, mais il semblerait que pour une fois, Kerr a eu du flair dans son recrutement. Toujours guidé davantage par l’idée de faire des économies que l’envie de remettre Phoenix au rang que la franchise n’aurait jamais du quitter, Kerr a ajouté quelques joueurs sans références à son roster, mais ceux-ci sont en train de redonner des frissons aux fans.
Cet été, Shaquille O’Neal arrive aux Cavaliers en fanfare, et on en oublie que Phoenix reçoit en contrepartie Ben Wallace et Sacha Pavlovic. Normal, les deux sont immédiatement coupés.
Pourtant, le départ du Shaq laisse un trou monstrueux dans la raquette, les Suns ne disposant plus du joueur athlétique et du rebondeur qu’était Marion, ni du défenseur qu’était Diaw pour permettre de faire jouer Stoudemire en pivot sans offrir une journée portes ouvertes à tous les intérieurs de la ligue. Wallace, gros rebondeur, gros contreur, peut être ce joueur qui va pallier les agaçantes absences défensives du Stoude. Les 10 millions de son contrat donnent bien trop de sueurs froides à Steve Kerr qui préfère s’en séparer. La solution du GM : Channing Frye, un pivot qui n’a pas atteint les 10 points de moyenne depuis sa saison rookie, et qui n’a jamais dépassé les 6 prises par match sur une saison.
Du coup, les fans des Suns sentaient se profiler une nouvelle saison pourrie, avec son lot de soirées terminées avec plus de 150 points dans les dents, et de rares coups d’éclats quand la chance permettra de faire du 75% à trois points. Aujourd’hui, ils ont l’agréable surprise de voir leur équipe afficher un 60% de victoires plutôt mignon, à 3 défaites de la deuxième place de l’Ouest. Cela malgré un net relâchement depuis quelques semaines. Les Suns ont battu leurs rivaux, Lakers et Spurs, et ont remporté toutes leurs confrontations face aux Celtics. Meilleure attaque de la ligue sans être la pire défense –bon d’accord, la deuxième- Phoenix présente également un des meilleurs bilans à domicile, et les fans kiffent à nouveau.
Les artisans de ce renouveau ? Tout d’abord, le niveau affiché par les cadres. En premier lieu, Steve Nash, de nouveau prétendant sérieux au MVP, qui affiche des carrer-highs au pourcentage au shoot et aux lancers, aux points et presque aux passes. Le Nash des deux dernières années était à un niveau all-star, mais loin de ses saisons MVP. On retrouve un homme de bientôt 36 ans qui joue avec autant de fougue qu’un rookie, la gestion, le sang-froid et l’expérience en plus.
Ensuite vient Stoudemire. Non, Amar’e n’a pas encore retrouvé son niveau de la deuxième partie de saison 2008, non il n’est toujours pas un joueur de 4e quart-temps, mais son explosivité revient peu à peu. Ses qualités techniques et physiques n’ont elles pas été altérées, et le Stoude est toujours l’intérieur le plus complet offensivement doublé du plus incontrôlable de la ligue. La complicité et la maîtrise du pick’n’roll des deux hommes demeure la principale force de Phoenix.
Ce qui est plus surprenant dans les ingrédients de la réussite des Suns, c’est l’émergence de joueurs à laquelle on n’était pas forcés de s’attendre. C’est vrai qu’un roster dont les éléments-clés sont Frye, Dragic et Dudley pouvait faire peur avant le début de la saison. Mais les joueurs de Steve Kerr affichent un niveau de jeu digne de la place de leur équipe.
En premier lieu, Channing Frye. Bombardé pivot titulaire par Steve Kerr, l’éternel espoir de 26 ans apparaissait comme une autre trouvaille bizarroïde de l’incohérent GM. Chose qui n’avait pas été prise en compte : Nash n’avait jamais eu à sa disposition un pivot capable de shooter à 3 points. Frye explose véritablement sous la houlette de son génial meneur, et la solidarité de l’équipe compense sa faible présence au rebond. Son importance dans le jeu de Phoenix est primordiale, l’ancien 8th pick offrant un danger offensif supplémentaire à une équipe qui en compte par flopées. En plus de cela, sa capacité à s’écarter déblaie encore plus la raquette pour Stoudemire que ne le faisait Shaquille O’Neal.
Parmi les menaces offensives nouvellement découvertes, on est obligé de citer Jared Dudley. Récupéré dans le trade pour Jason Richardson, on savait déjà que l’arrière de 2m01 était un bon shooteur. Dudley est depuis un mois le leader de la ligue concernant le pourcentage à 3 points. La qualité de son shoot est vraiment exceptionnelle, et les gâchettes des Suns quadrillant le terrain, il est souvent laissé seul dans les corners d’où il sanctionne immédiatement les défenseurs qui lui manquent de respect. Dudley apporte également beaucoup en défense, où sa débauche d’énergie fait du bien quand il sort du banc. Il se donne à fond des deux côtés du terrain, et sa vitesse et sa fraîcheur l’ont rendu incontournable dans l’effectif Arizonien.
Aux deux candidats plus que logiques au 3-point shootout du all-star-game, j’ajouterai la surprenante mue de Goran Dragic. D’un boulet qui faisait claquer les dents de l’US Airways Center à chaque fois que Steve Nash regagnait le banc, le meneur slovène est devenu un back-up solide au Canadien. Son pourcentage aux tirs a augmenté de 8 points, témoins de la rigueur nouvelle et des progrès de Dragic. Principal artisan de la victoire du 15 décembre face aux Spurs au cours de laquelle il a inscrit son meilleur total personnel, 18 points, Dragic a franchi un pallier et ajoute une certaine solidité à la rotation des Suns.
Je profite de faire l’énumération de ces bonnes pioches de Steve Kerr pour me permettre une petite parenthèse sur la plus grosse erreur de casting de cette été : Trevor Ariza. Ariza, c’est du recrutement Ligue 1. C’est comme si Lyon avait compensé le départ de Benzema au Real en recrutant Bellion, remplaçant à Bordeaux, lui avait offert la place de n°9 et lui avait proposé le même salaire que l’international français. Ariza était remplaçant chez les Lakers, rôle dans lequel il excellait par son explosivité et ses qualités défensives. Joueur athlétique, son apport se fait par l’énergie qu’il apporte sur le terrain. Il me semble donc incohérent de le faire jouer en tant que starter, et de l’avoir comme première option offensive pendant 39 minutes. Payer 10 millions la saison ses pourcentages de 38% aux tirs et 31% à trois points quand on a déjà Tracy McGrady l’est tout autant. A la décharge des dirigeants des Rockets, l’excellente décision de confier les rênes de l’équipe à Aaron Brooks, très bon meneur de tous points de vue, et malgré sa tendance à porter un peu trop le ballon, ce joueur sera all-star sous peu. Fin de la parenthèse, revenons à nos Suns.
L’effectif est désormais complet et cohérent, avec l’inoxydable ailier polyvalent Grant Hill, le Brésilien au shoot de fusil à pompe Leandro Barbosa (un commentateur des Suns disait à son sujet après son retour de blessure : « on ne se rend pas compte qu’il manque quand il n’est pas là, mais quand il est là ») et Jason Richardson, qui peut être innarêtable quand il est chaud. Le roster ne va pas pour autant gommer toutes les carences de la franchise.
On ne pourra pas éviter de critiquer la défense, laissée en chantier par D’Antoni, abandonnée par Porter, et en construction sous Gentry. En fait, le roster des Suns manque cruellement d’un défenseur en un-contre-un et d’un intérieur défensif. Raja Bell et Shawn Marion étaient pour l’un un chien de garde intraitable, pour l’autre un monstre athlétique, et ces deux joueurs permettaient à Phoenix de ne pas se prendre trop de points en muselant ou en freinant les principaux scoreurs adverses. Grant Hill et Richardson sont maintenant les défenseurs en indiv’ attitrés. Insuffisant pour une équipe qui va faire les playoffs, et pénalisant pour le rendement offensif des deux starters. Kurt Thomas et Boris Diaw faisaient le travail ingrat de défendre à l’intérieur, Stoudemire n’étant capable de défendre que par intermittence, et des role players de ce type sont toujours introuvables dans l’Arizona depuis le départ de Babac vers la Caroline du Nord. Même si les Suns n’ont jamais été capables de maîtriser Duncan, éviter de se faire démolir par Anderson Varejao serait le minimum, Frye est trop limité pour pouvoir le faire, Almundson et Lopez trop mauvais malgré leurs efforts.
Autre souci récurrent pour les Suns, garder un niveau de jeu constant durant tout le match et éviter de s’effondrer dans le dernier quart ou de dilapider une avance atteinte trop rapidement. Steve Nash a beau être un gestionnaire de très haut niveau et un joueur clutch au possible, les Suns n’ont jamais su tenir un avantage, ce qui leur a coûté le titre qu’ils auraient mérité sous D’Antoni. Les récentes défaites concédées face au Heat, aux Pacers et aux Hawks, à chaque fois par 4 points ou moins, ne sont que les témoins de cette incapacité à gérer le money time inhérente aux Suns. Cette équipe peut en l’espace de 4 jours se faire botter les fesses par les Warriors puis écraser les Lakers et les Celtics. Elle peut battre n’importe qui, mais ne le fait que par intermittence car son manque de caractère lui a toujours été préjudiciable. Jason Richardson, qui a piétiné les C’s au Garden et qui a été transparent à Los Angeles une semaine après, en est la meilleure illustration : s’il manque ses trois premiers tirs, il ne passera pas la barre des 10 points sur le match ; s’il les rentre, il approchera probablement les 30 points. Si les Suns jouent 48 minutes –ou au moins plus de 36- avec la même intensité, personne ne peut leur résister. Sauf qu’ils sont incapables de le faire tous les soirs, et ce depuis des années.
De l’autre côté, la force des Suns depuis ces mêmes années : le collectif. Au-delà de leur évident jeu d’équipe atomique en attaque, Phoenix est avant tout un groupe qui s’entend bien, et c’est cela qui peut leur permettre de faire plus que de la figuration en playoffs. Alvin Gentry s’est déjà pris quelques techniques pour s’être insurgé de la mise en danger d’un de ses joueurs, signe de la force du lien qui unit le groupe. Quand un joueur marque un trois points, il va directement regarder son coéquipier qui lui a fait la passe. Quand Dragic ou Dudley sont sur une bonne série, c’est toute l’équipe qui vient les féliciter ou les chambrer. Les Suns sont un groupe qui vit bien ensemble, aucun joueur n’ayant posé de problème dans le vestiaire depuis le départ de Shawn Marion. Les road-trips incessants de ce début de saison ont encore davantage soudé le groupe, et les joueurs s’éclatent ensemble dès qu’ils le peuvent, chantant à tue-tête dans le bus ou tournant vidéo sur vidéo.
Jared Dudley, Channing Frye, Goran Dragic n’étaient personne avant les Suns, et ne seraient plus les joueurs qu’ils sont aujourd’hui s’ils les quittaient. Nash, Stoudemire et Barbosa ont porté cette équipe au sommet comme elle les a portés aux sommets. Le groupe entier a subi l’humiliation de la non-présence en postseason l’an dernier, et il a faim de revanche. Cette équipe a une âme et un vécu collectif. C’est ça qui peut lui permettre de réaliser un coup en playoffs. Un coach avec une tronche de maffieux et un gang de gâchettes assoiffées de vengeance, drôle de fin pour un conte de fées, non ?
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Je passe tout mon temps libre à lire tes articles, surtout continue ! Je diffuse l'adresse de ton blog à mes amis.
RépondreSupprimerBisous,
Cloé.
Ca fait sincèrement plaisir, je te remercie Cloé!
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