
Ça y’est ! C’est fait ! Les Bulls ont à nouveau un bilan équilibré (22-22) ! Après un début de saison plus que poussif, Chicago revient en force en ce mois de janvier, et a fait un bon pas vers les playoffs, créant une rupture en fond de Conférence Est avec déjà 3 victoires d’avance sur des Bucks à la dérive. Le jeu alléchant que la preseason nous avait laissé miroiter est enfin arrivé, et curieuse coïncidence, le vrai niveau de Derrick Rose aussi.
En fin de saison dernière, on avait quitté les Bulls après une série de playoff d’anthologie face aux Celtics alors champions en titre. Chicago avait poussé Boston dans ses retranchements, perdant le match 7 de peu après un total de 371 minutes au cours desquelles la bande à Paul Pierce avait pu sentir à Windy City le vent de l’élimination souffler sur sa nuque. Avec un Derrick Rose à un niveau qu’on avait jamais vu et un Ben Gordon clutch comme jamais en fers de lance, les Bulls avaient convaincu, et on pouvait espérer un futur radieux du côté du United Center.
Sauf que Ben Gordon s’en va une semaine après la draft pour quelques dollars de plus, et laisse la garde de l’équipe à Rose. Draft d’ailleurs plutôt réussie pour Chicago, avec la sélection de deux powers doués en attaque, James Johnson et Taj Gibson. Si Gibson a les préférences de Vinny Del Negro pour le moment grâce à son investissement au rebond, Johnson montre de belles choses de façon intermittente après une preseason tonitruante. Ces deux ailiers forts résolument offensifs s’inscrivent en complément d’un Noah qui fait le boulot pour deux voire trois en défense. Le roster se montrait donc parfaitement cohérent, avec des joueurs à fort potentiel et une rotation sérieuse.
Les Bulls enregistraient en plus le retour de Luol Deng, et semblaient partis pour une saison dans la continuité de leur premier tour de playoffs. Mais l’absence de Ben Gordon se fait sentir plus que Jerry Reinsdorf ne s’y attendait. Ses 20,7 points de moyenne font cruellement défaut à des Bulls qui, s’ils excellent en défense, manquent cruellement d’inspiration et de solutions en attaque. Salmons semble avoir oublié que c’est dans le cercle qu’il doit mettre ses shoots, les Bulls sont dans le bas-ventre de la Conférence Est et Del Negro sur la sellette. Tyrus Thomas revient, et même si on le voit davantage dans les rumeurs de trade que sur le parquet, Chicago va se relever.
Et c’est le réveil d’un homme qui va relever toute une équipe : Derrick Rose. Pas à l’aise dans les pompes de franchise player trop grandes pour lui que Gordon lui a laissées, Derrick se bat avec son shoot qu’il a pourtant passé l’été à bosser, et se montre beaucoup moins tranchant dans ses pénétrations. Pourtant, un jour, il se lève et se dit « maintenant je vais tout déchirer ». Du moins c’est ce que les apparences laissent supposer. Du jour au lendemain, Robin Hood devient plus rapide, plus précis, plus lucide.
Tout d’abord, un shoot retrouvé : d’un faible pourcentage avoisinant les 40% pendant les deux premiers mois, Derrick passe à un 51% du plus bel effet en janvier. Son engagement et l’intensité qu’il met en sont les principaux facteurs : la majorité des jump-shoots que prend le meneur de Chicago arrivent après un cross sur son matchup. Plus Derrick met de vitesse dans l’exécution de son dribble, plus son défenseur est lâché, plus son shoot est facile à rentrer. Et ce mois-ci, Rose met énormément d’intensité. Qui dit plus d’intensité dit plus de rapidité. Un D-Rose plus rapide réussit davantage de pénétrations, et d’attaques de cercle; défendre sur un meneur d’1 mètre 91 aussi athlétique que celui des Bulls n’est pas une mince affaire quand il fonce vers le panier, étant donné son arsenal de moves dans la peinture, une variété de tirs à une main et de lay-ups dont Ricky Rubio rêve tous les soirs dans son lit barcelonais.
Encore faut-il qu’il joue à fond. Jusqu’en décembre, on avait un Rose en demi-teinte qui semblait douter sur le terrain. Maintenant, il est en confiance, et Ben Gordon n’est plus qu’un vieux souvenir. Derrick a mis un moment à enfiler le costume du patron que l’ancien 6e homme lui avait laissé, mais maintenant, il lui va parfaitement, et Derrick joue son jeu sans se poser de questions. Il distribue, il dirige, il shoote, il drive, mais surtout il marque quand son équipe en a besoin. A présent, plus de doutes en fin de match. La balle est pour Rose, les shoots décisifs sont pour Rose.
Et le jeu s’en ressent, ressemble de plus en plus aux promesses de l’intersaison. La balle circule vite, ce qui permet de l’envoyer rapidement à l’intérieur, où Joakim Noah ferait presque oublier ses lacunes offensives grâce aux décalages créés par la vitesse de son génial meneur et le jeu sans ballon de Luol Deng. L’ailier anglais n’a pas son pareil pour trouver des positions ouvertes à mi-distance, et son shoot à 5 mètres est des plus efficaces, tout comme le shoot longue distance de Kirk Hinrich qui profite du resserrement des défenses sur son collègue du backcourt pour se faire oublier et enfiler les shoots faciles. Cette dynamique offensive insufflée par Robin Hood porte ses fruits : l’attaque de Chicago, 95 points de moyenne sur la saison, tourne à 105 points sur les 10 derniers matches !
Tout ça sans oublier ce qui a permis aux Bulls de se maintenir dans une course aux playoffs peu relevée : leur défense. Le nombre de points encaissés par les Bulls n’a quasiment pas augmenté au cours de ces mêmes 10 derniers matches conclus par cette victoire sur le Thunder après sept autres succès remportés notamment face aux Celtics, Suns, Rockets et Spurs. La présence au rebond de Joakim Noah (2e NBA) et Taj Gibson (2e Rookie) est primordiale, tout comme la puissance du Français qui contient la majorité des pivots adverses. Luol Deng et ses 100 kilos pèsent eux aussi 7,4 rebonds par match, et sont solides en un-contre-un tous les soirs.
Pour en revenir à Derrick Rose, sur ces 10 derniers matches, la meilleure série (encore en cours) des Bulls cette saison, il tourne à 23,1 points à 53%, 4,5 rebonds et 5,9 passes. Soit mieux que lors des derniers playoffs au cours desquels il avait pourtant été excellent. On a en ce moment tout simplement le meilleur Rose qu’il nous a été donné de voir en NBA. Et les meilleurs Bulls de la saison.
Peuvent-ils continuer sur leur lancée, et distancer les autres candidats sérieux aux playoffs –Miami, Toronto et Charlotte- pour la 4e place de l’Est, voire aller titiller les grosses pointures ? Sur le terrain, pas de doute, mais il n’est pas certain que les Bulls puissent se maintenir à un tel niveau, étant donné leur dépendance à leur génial meneur, et leur faiblesse récurrente au poste 2. Kirk Hinrich est un bon joueur, mais serait bien plus utile en sortie de banc étant donné son profil de combo guard shooteur. John Salmons est trop irrégulier pour être vraiment tranchant en attaque, malgré ses grandes qualités défensives.
Les Bulls auraient pu profiter du retour d’Iverson pour se doter de ce scoreur qui leur fait défaut depuis le départ de Gordon. Ils n’ont pas voulu courir le risque d’un échec et ne l’ont pas fait. Les résultats leur donnent pour le moment raison, mais pour pouvoir viser plus haut qu’un bilan équilibré, ce joueur capable de se créer son shoot, avec une petite pointe de clutchness en plus est nécessaire. Malgré ses progrès, Derrick Rose n’est pas encore ce tueur de fin de match, et a encore le temps avant d’avoir à endosser des responsabilités supplémentaires. Tyrus Thomas est une bonne monnaie d’échange, étant donné le crédit dont il jouit auprès de beaucoup de GMs en dépit de ses performances en dent de scie et de son QI basket d’huître. Si un joueur, et il faut impérativement que ce joueur soit un arrière shooteur ou scoreur, doit arriver, ce sera par le biais du trade de Thomas et éventuellement de quelques contrats supplémentaires –Jerome James par exemple. Jason Richardson, qui n’est plus en odeur de sainteté à Phoenix peut être ce joueur, même si son irrégularité me pousse à le déconseiller aux dirigeants chicagoans. Ayant rejeté l’éventualité Iverson, Jerry Reinsdorf ne se risquera probablement pas à prendre Tracy Mc Grady. Mais Kevin Martin ou Rip Hamilton sont des alternatives abordables, ma préférence allant à l’ancien de Connecticut pour sa régularité et son expérience qui seraient des plus indéniables à l’approche des prochains playoffs.
Ainsi, les Bulls reviennent en force portés par le plus grand Derrick Rose qu’on ait pu voir jusqu’à maintenant. Ils restent sur un 8-2, et quatre victoires d’affilées qui ne demandent qu’à être suivies puisqu’ils vont jouer les Hornets, Clippers et Sixers avant de recevoir les Hawks pour leur prochain gros test. Je ne doute pas une seule seconde quand à leur présence en playoffs, la seule question est : à quelle place? Et la 5e n’est pas la plus haute à laquelle le talent de ce groupe peut prétendre.