vendredi 18 juin 2010
UN PUTAIN DE MATCH
Bon ben voilà, fini. Plus de 100 matches disputés pour chaque finaliste, et tout s’est joué sur 48 minutes. 48 minutes sans forcément avoir vu du beau basket, du spectacle, des exploits, mais de l’intensité et de l’engagement à ne plus savoir qu’en faire. Les Lakers récoltent leur 16e titre après un combat âpre et un match où la défense et le rebond ont été la clé.
Pourtant, ils ont bien failli passer à côté. Tout ça à cause d’un homme, Kobe Bryant. Celui qui les a si souvent fait gagner avait remis son costume de croqueur et aurait pu se retrouver avec la casquette du boulet en cas de défaite. En début de match, l’arrière des Lakers laisse le jeu se faire, mais il se rend rapidement compte qu’il n’a pas pris un shoot et se rappelle que ce match est pour lui, un match pour entrer dans la légende.
Il se décide alors à mettre des points, mais Ray Allen défend bien sur l’arrière angelino et les prises à deux voire à trois se mettent en place rapidement dès que Kobe cherche l’isolation. Au lieu de ressortir la balle, il préfère alors forcer ses shoots et en envoie même un derrière la planche alors qu’il était dans le corner. Les Lakers s’en sortent grâce à un abattage monstrueux sous les panneaux verts, Gasol compensant sa maladresse aux shoots par une suractivité au rebond offensif.
En revanche, ils ont oublié leur défense sur jeu de transition au vestiaire –comme depuis le début de la série- et Rondo prend un malin plaisir à provoquer des fautes et à rentrer des lay-ups sur des fast breaks post-rebond défensif. La défense intérieure des Celtics leur permet de contenir Gasol et Bynum, et avec une présence au rebond défensif plus importante ils pourraient déjà être loin devant, face à des Lakers qui shootent à moins de 30%. En attaque placée, plus de difficultés, dues à une défense de mort de faim d’Artest sur Pierce, mais le Sheed fait très mal dans la peinture avec un jeu en post-up qui gène beaucoup Gasol qui perd l’avantage de taille qu’il avait face à Perkins.
L’Espagnol est d’ailleurs catastrophique en défense, se faisant également bouffer par Garnett qui l’enrhume avec la même feinte à tous les coups. Pendant ce temps, Kobe continue d’arroser et heureusement que la rentrée de Lamar Odom revitalise un peu des Lakers qui parviennent à rester au contact à la faveur d’un 9-0 en début de 2e quart-temps. 40-34 à la mi-temps pour les C’s, qui compensent les 2d chance points californiens par une défense de fer, toujours moins de 30% aux shoots pour les Lakers qui peuvent s’estimer heureux de n’être qu’à 6 points. A la surprise générale, Ron Artest est le meilleur marqueur à la mi-temps. Normal, c’est le seul sur le parquet à jouer à son vrai niveau.
A la mi-temps, tout le monde invoque la performance de John Starks lors du Game 7 des Finals 94 pour qualifier la prestation de Kobe. 3/14 aux shoots, deux seulement pris dans de bonnes conditions, pas glorieux. Pourtant, le parallèle est totalement erroné : lors de ce match, Starks avait fait 3 premiers quart-temps d’un niveau correct, comme d’habitude, car son rôle était de sortir de sa boîte dans le money time pour finir les Rockets. Seulement, ce match-ci, le meneur new-yorkais n’arrivait pas à rentrer ses shoots dans le dernier quart. Pourtant Pat Riley s’acharnait à demander des systèmes pour qu’il puisse shooter à trois points, expliquant ainsi la feuille de stats pourrie de son joueur, visiblement touché par son tir au buzzer manqué au match précédent.
Rien à voir ce coup-ci. Kobe n’arrive pas à rentrer ses shoots, mais continue à en prendre, même s’il se rend bien compte que la défense de Boston ne lui en laissera pas un seul potable. Il demande des isolations, alors que Ray Allen le contient parfaitement parce que Kobe est trop prévisible : il sort toujours les mêmes dribbles, les mêmes feintes, pour au final les mêmes briques. Une passe décisive seulement pour lui après 24 minutes. Il a la pression, il flippe, il rate ses premiers lancers alors qu’il tourne à 95% sur la finale. Il sait que ce match doit être le sien, mais il sent aussi que celui-ci lui échappe. Il est attendu au tournant mais se dirige droit dans le mur.
Et les choses ne s’arrangent pas à la reprise, puisque les C’s compteront jusqu’à 13 points d’avance au cours du troisième quart. Mais leur écart commence à diminuer, puisqu’aucun des deux bancs ne parvient à apporter de points, ce qui embête bien Doc Rivers qui sait l’importance que le sien a eu dans cette finale. A la fin du quart-temps, 4 points seulement séparent les deux équipes. Gasol commence à prendre la mesure des intérieurs verts en attaque, même si il rate beaucoup de lancers, au contraire de Kobe qui s’il continue à lutter avec son shoot parvient à provoquer quelques fautes et compense sa maladresse par une suractivité au rebond défensif.
Côté Celtics, Pierce est totalement muselé par Artest, qui est partout en défense. Allen donne tellement sur Bryant que son shoot s’en retrouve altéré, et quand on voit la performance de Kobe ce soir on comprend mieux pourquoi Jesus a des pourcentages si faibles sur l’ensemble de la finale. Garnett devrait continuer à s’amuser avec Gasol mais la défense californienne s’est resserrée et Rondo a toutes les peines du monde à trouver ses intérieurs. C’est serré. Très serré. Tendu, stressant, appelle ça comme tu veux. Mon cendrier se remplit aussi vite que mon paquet de feuilles se vide.
Les deux défenses rivalisent d’herméticité. Avec Odom sur le terrain, les Lakers sont plus petits mais bien plus mobiles et les prises à deux se multiplient sans pour autant ouvrir de shoots aux Celtics. Kobe se crée et rentre un shoot pas évident. On se dit alors que cette fois c’est bon, voici venu le moment où le Black Mamba va écrire les plus belles lignes de son histoire. En fait, pas du tout, ce sera son seul shoot réussi du quart-temps. Après avoir testé les intérieurs de Boston, Gasol les piétine. Bien aidé par les arbitres, l’Espagnol prend des rebonds, marque et provoque des fautes. Un shoot à trois points de Fisher sur la tête de Ray Allen à qui il rend pourtant une quinzaine de centimètres, deux nouveaux lancers de Bryant qui fait son beurre sur la ligne de réparation, et voilà les Lakers devant pour la première fois depuis le milieu du deuxième.
C’est alors que le match s’emballe. Les deux équipes sont dans le bonus. Kobe toujours aussi laborieux veut la balle mais n’arrive à l’avoir qu’après une dizaine de secondes. Quelques secondes de plus pour jauger Allen, quelques dribbles inutiles, pas de shoot en vue. Quand il en reste moins de cinq au chrono, il se décide à lâcher la gonfle et offre des shoots moisis à ses collègues. Et c’est comme ça depuis l’entre-deux. A une minute de la sirène, après un 3 points assassin du Sheed, toujours pareil, Kobe tergiverse, Artest récupère la balle derrière l’arc avec 4 secondes pour shooter. Filoche, +6 Lakers. Ron Ron se la raconte. Un peu trop vite. Trois points rendu par Allen. Kobe Bryant se loupe, pas Gasol qui rentre encore des lancers. Temps mort Boston, système pour Allen à trois points qui se mange une prise à deux et envoie un airball. Rondo récupère, se recule dans le corner et allume. Ca rentre. Moins de 20 secondes à jouer, Jackson remplace Artest par Vujacic dans l’optique des lancers.
Remise en jeu pour Odom, pas de Bryant ni de Fisher en vue, l’ailier angelino parvient quand même à trouver The Machine –j’ai toujours kiffé ce surnom. Sur la ligne des lancers, le Slovène tremble comme une feuille. Il a joué 5 minutes et le voilà en train de shooter pour un titre NBA. Il rentre le premier. Puis le deuxième. Temps mort. Vujacic est survolté, il saute partout, se permet de venir chauffer Kobe Bryant pour la possession Celtic à venir. Possession hyper mal jouée, Rondo balance une brique depuis le corner, rebond Gasol qui balance un scud devant récupéré par Bryant qui aurait même pu finir avec un dunk au buzzer, pour le style. Et puis c’est terminé. 5h54 heure française, les Lakers sont champions.
Kobe harangue la foule, on sort les casquettes et les serpentins, les Lakers sont champions. On voit Gasol qui pleure à chaudes larmes tentant vainement de se cacher des caméras. On voit Odom et Artest qui s’enlacent avec des yeux de gamins le jour de Noël. On voit Vujacic qui chope Kobe et lui gueule « Five ! Five ! » bien que les deux hommes soient loin d’être des amis. On voit Bynum dans les bras de Phil Jackson qu’en fait il dépasse à peine. Et puis la cérémonie, le truc relou, quoi. Jerry Buss, le proprio des Lakers, bien démago comme il faut, déclare au micro que s’ils ont gagné c’est grâce à leur public, le meilleur. Le parterre de stars courtside et le public qui faisait moins de bruit qu’une seule vuvuzela quand les Celtics menaient de plus de 10 points semblent être d’accord avec lui.
Russell qui donne le trophée à Kobe, MVP, se fait siffler. Celtic, normal, répondront les fans, aussi fair-play dans la victoire qu’un Sheed dans la défaite. C’est bon, ça c’est fait, on fête le titre avec sa famille et du bon Gatorade, on fait le con à la télé parce qu’on est Ron Artest, on reste sobre parce qu’on est Phil Jackson et que un titre de plus ou de moins on s’en branle, on éteint l’ordi parce qu’on est en France, qu’il est 6 heures passées et qu’on a un peu sommeil.
Ce qu’il faut retenir de ce Game 7, c’est la perf de Ron Artest, 20 points, 3 rebonds offensifs et 5 interceptions. Grosse défense sur Pierce, sur les lignes de passes, beaucoup d’engagement et un trois points ultra-clutch. Les Lakers ont gagné grâce à leur défense dans le money time, où ils ont étouffé les Celtics. Kobe a raté une belle occasion d’ajouter un peu de clinquant à sa légende, mais le principal c’est cette 5e bague.
Au final, je suis content. Déjà parce que j’ai jamais vraiment pu encadrer les Celtics. Pas de raison particulière, peut-être parce qu’ils ne jouent pas assez Shippin’ up to Boston au TD Garden. Ouais, ça doit être pour ça. En même temps, je suis pas un grand fan des Lakers non plus. Par contre, ce que j’aime, c’est voir l’histoire s’écrire, et cette nuit j’ai pu en voir une belle page. C’est toujours frustrant de te rendre compte que tu as raté quelque chose et que tu ne pourras jamais le revivre, genre le titre de l’OM en 93. Bien sur, il y a toujours moyen de revoir le match, mais tout ce qui l’entoure a disparu. C’est pour ça que j’adore Federer. J’apprécie le personnage autant que le joueur, mais malgré moi, ce que je préfère c’est de le voir tomber les records parce que je vois l’histoire du Tennis s’écrire avec lui.
Et ce soir, j’ai pu voir de nouvelles lignes dans le grand livre du Basket avec ce game 7, très serré, très défensif. Mais surtout avec ce 5e titre pour Bryant. Certes, il a raté ce match à titre personnel, mais avec cette bague il rentre un peu plus dans la légende. J’ai eu une pensée pour le Shaq, et pour NTM. Ben oui, en fait c’est pareil. Le duo maudit. Kool Shen avec sa carrière plus conventionnelle, plus aboutie, album solo, production, pub sur le maillot de Lyon et tout le reste. Comme le Shaq. Quelques transferts, quelques bagues, quelques distinctions individuelles. Mais il faut bien se rendre à l’évidence, même s’ils ont perdu du temps en route, et peut-être moins d’accomplis à l’heure du bilan, les génies sont Joey et Kobe, pas leurs acolytes. Problèmes judiciaires, années noires, mais une aura intouchable. NTM, ça veut dire Joey Starr, Lakers ça veut dire Kobe Bryant. Point.
Tout ça pour dire que j’ai passé une bonne soirée. Hier, SoFoot s’était fait passer le mot suite à un article aussi mauvais niveau fond que niveau forme de Chérif Ghemmour, décidément capable du meilleur comme du pire, en gros seuls les spécialistes peuvent apprécier la Coupe du Monde parce que c’est trop dur à comprendre ce qui est beau pour le spectateur lambda, et les boloss qui veulent du spectacle, allez voir la finale NBA. Spectacle ? J’en ai pas vu des masses. Pas de gestes hallucinants, seulement deux dunks, déjà oubliés. Par contre, de la défense, de l’intensité, de l’engagement, du suspense. Du sport quoi. Et j’ai plus kiffé ce soir devant un match fermé, disputé, sans supporter une seule des deux équipes que devant un match des Suns de D’Antoni. Un putain de match, je vous dis.
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Superbe article. C'est vrai que c'était un match trippant. Boston a tout le temps été devant mais on avait l'impression que deux ou trois possessions bananées de leur part auraient suffi à faire revenir les Lakers.
RépondreSupprimerEt ce trois points de Fisher qu'on ne peut kiffer dans toute sa mesure que si on était devant l'écran en direct et depuis le début du match...
La chance d'avoir pu voir une réminiscence du jeu dos au panier de Rasheed Wallace avant peut-être sa retraite, comme un chant du cygne...
Les trois paniers à trois points coup sur coup que les deux équipes se sont échangées...
Le contre décisif de Gasol sur Pierce alors qu'on le croyait mis à l'amende... Quand j'ai vu PP34 aller au lay-up, je me suis dit que Boston posait une main sur le trophée et dans la demi-seconde qui a suivi, l'espagnol a fait voler en éclat cette vision fugace...
Le panier sous le panneau de Gasol sur l'action d'après, malgré trois C's autour de lui...
Et ce rebond offensif qui clôt le débat.
Le seul truc qui a gâché un peu tout à mon avis a été que Kobe reçoivent le trophée de MVP des finales. Son game 7 n'était pas beau à voir et même lorsqu'à un moment il a paru intouchable, c'est les Celtics ont remporté le match à la fin.
Content qu'il t'ait plu, j'avais envie de tenter un résumé de match, d'autant que celui-ci valait vraiment le coup.
RépondreSupprimerCe moment où ça canardait dans tous les sens à moins de 2 minutes de la fin était quand même énorme... Quand Allen rate le coche je me suis dit que c'était foutu pour les Celtics et là Rondo qui enchaîne rebond offensif + 3 points... Le truc de malade mental!
Pour Kobe, il mérite le MVP sur l'ensemble de la finale niveau stats parce qu'il est quand même a 10 points de moyenne de plus que Gasol qui est passé à côté de pas mal de matches, et qu'il aligne 8 rebonds - 4 passes - 2 steals derrière.
Mais c'est sur que c'est dommage qu'il se troue sur le dernier et que ses meilleurs matches n'aient servi à rien... Ca fait tache. MVP par défaut, quoi.
L'analyse de Neil Paine de basketball-reference concernant le trophée de MVP me semble assez juste:
RépondreSupprimer"I definitely don't think it's fair to say Kobe was "bad" in the Finals. He didn't have a great offensive series, but it really wasn't horrific -- 25 P/36 on a 53 TS% is actually not that different from his regular-season numbers, and this was against one of the league's best defenses. He also played legitimately great defense, and did a surprisingly good job on the boards.
Watching last night, my initial reaction was that it was extremely unfair to give Kobe the Finals MVP after he very nearly shot his team out of the biggest game of the season. And it's true that for most of Game 7, the selfish Kobe we've all come to criticize showed up. But looking at the numbers for the series today, it's hard to make a case for him not winning Finals MVP honors. As a stats guy, I usually come down against Kobe (and I still think he's nowhere near Michael Jordan or even LeBron James' level), but in this case I have to give credit where credit is due. Gasol had an eye-popping efficiency, but if you employ a trade-off and take him up to Kobe's usage level, plus factor in Kobe's defensive edge, Kobe deserved the MVP.
Now, I think Gasol was obviously better last night, and without him they wouldn't have been champions -- period, no contest. Artest also came up far bigger in the biggest game of the year. But in the entire series, I think Kobe earned the honor. And I have no idea who would have been MVP if Boston had won... Garnett, maybe? Per-minute he was their best, but he only played 32 MPG, which is problematic. Then again, Pierce didn't have a particularly good series, Rondo was not himself (much credit to Kobe), and Allen did practically nothing outside of Game 2 (although he acquitted himself reasonably well defensively last night). Garnett would have to be the guy, unless you wanted to buck 40 years of history and give it to a guy on the losing team."