jeudi 17 décembre 2009

ET SI LES BLANCS SAVAIENT SAUTER?





J’ai récemment eu l’occasion de découvrir sur BasketUSA un reportage d'Outside The Lines, document plutôt intéressant mais qui a malheureusement disparu de la toile, qui s’interrogeait sur le faible nombre d’Américains blancs en NBA. Ils représentent ainsi moins de 10% des joueurs actifs, et même le grand Jerry West se trouve bien incapable de donner le meilleur d’entre eux actuellement quand un journaliste le lui demande. Fatalement, l’interrogation arrive d’elle-même : pourquoi les Blancs américains sont-ils si peu représentés en NBA ?

Beaucoup répondent à cette question à l’aide d’arguments prétendument scientifiques définissant le Noir comme plus athlétique que le Blanc, et se basent sur des études qui n’ont rien à envier aux savants du IIIe Reich. Ces justifications eugéniques ont à mes yeux autant de valeur que le fait de dire que les Juifs ont un gros nez, ou que l’être suprême est aryen. Aussi noir qu’il soit, Eddy Curry ne courra jamais aussi vite que Luke Ridnour, et aussi noir qu’il soit, je doute qu’Al Horford puisse écraser David Lee au rebond. Ces idées faussement savantes me filent autant la gerbe que Marine Le Pen en bikini.

En fait, si les Américains blancs sont si peu nombreux dans la grande ligue, c’est tout simplement parce qu’une grande majorité croit en ces idées plus que limites. Le Blanc est considéré comme moins athlétique que le Black, ce qui lui confère une réputation de mauvais défenseur qui lui colle à la peau. Pourtant, Andreï Kirilenko qui est peut-être le joueur le plus blanc de la ligue, est un des meilleurs défenseurs en activité. Cette idée reçue nuit énormément aux joueurs blancs, qui doivent faire leurs preuves en attaque pour pouvoir espérer être un jour draftés, même si leurs qualités défensives sont réelles.

A cela s’ajoute l’émergence des joueurs non-américains, qui représentent aujourd'hui quasiment 20% du total des joueurs de la ligue, tandis que la proportion d’Américains noirs n’a pas évolué depuis des décennies. L’équation est simple, et son résultat est la diminution du pourcentage de joueurs américains blancs. En plus de traîner le boulet de leur réputation de gringalets qui ne savent pas défendre, ils se trouvent confrontés à une autre idée reçue, qui elle s’applique à tous les jeunes basketteurs américains, peu importe la couleur de leur peau : leur manque de fondamentaux.

Par manque de fondamentaux, on entend souvent shoot défaillant. Et les joueurs européens sont souvent draftés au vu de leur maîtrise technique et de la qualité de leur tir. Il est évident que quand on voit Danilo Gallinari et Rajon Rondo, le fait de penser que les Européens sont de biens meilleurs shooteurs extérieurs que les Américains peut sembler juste. Et il est vrai que les dernières drafts ont plus ou moins confirmé cette tendance, avec des meneurs dont le gros point faible demeure le shoot, comme Rose ou Evans.

Mais en fait, un joueur comme Jennings, dont le shoot était sans cesse dénigré, flirte aujourd’hui avec le 45% à 3 points. Et il n’y a pas de doute que Daniel Gibson mette une raclée à Tony Parker dans un concours de tirs longue distance. En réalité, beaucoup d’Européens arrivent auréolés de cette réputation de joueurs techniques, et le simple fait de dépasser les deux mètres ferait presque d’eux des lottery picks. Prends ça Alexis Ajinca.

Les joueurs américains blancs se retrouvent donc confrontés à des préjugés qui les empêchent d’éclore au plus haut niveau. L’exemple de Kyle MacAlarney proposé dans le reportage en est la meilleure illustration. Un joueur aussi athlétique que n’importe quel Black, et aussi technique que n’importe quel Européen, avec un shoot à 3 points d’une rare qualité, mais qui ne percera jamais, bloqué par ce mur d’idées reçues.

Au-delà des simples préjugés, il faut reconnaître que culturellement le basket-ball est un sport de Black. Quand on est parqué dans un ghetto, le moyen le plus simple et surtout le moins cher de s’évader reste le sport. Forcément, le hockey ou le base-ball nécessitent plus de matériel ou plus de joueurs que le basket. Un ballon, un panier, un contre un, et le tour est joué. Alors on s’inspire des mecs qui ont réussi, qui sont sortis de la rue grâce à la balle orange. Allen Iverson, première star du basket issu de la culture hip-hop en est le meilleur exemple. Aujourd’hui, quand on dit « basketteur », c’est d’abord l’image de The Answer et de ses tatouages qui vient, et non celle de John Stockton et de son short plus court qu’une mini-jupe de Britney Spears.

Là où partout ailleurs dans le monde le foot est le sport le plus populaire dans tous les sens du terme, le basket est LE sport de rue aux states. S’il y a autant de Reunois et de Reubeus en équipe de France de foot, c’est parce qu’au milieu des tours on rêve plus d’être Drogba ou Benzema que Renan Luce. S’il y a autant de basketteurs noirs aux Etats-Unis, c’est parce qu’à Harlem on rêve plus d’être Carmelo Anthony que Phil Collins.

On s’identifie toujours aux gens qui nous font rêver et qui nous donnent envie de réussir. C’est pourquoi je suis dégoûté quand LeBron James refuse de serrer la main à ses adversaires après une défaite : le gamin qui travaille dur tous les jours en se disant que s’il continue ses efforts à l’école et au gymnase, il pourra être comme le King quand il sera grand, quand il voit ça à la télé, il a envie de faire pareil. De la même façon qu’il va avoir envie de bosser ses moves jusqu’à imiter à la perfection ceux de son idole.

En fait, culturellement et socialement parlant, le basket est aux États-Unis un peu similaire au Rap. Un milieu à priori noir, où il est difficile pour un Blanc de percer, mais où jouer sur le racisme n’est pas toléré. Tous les deux imprégnés de la culture hip-hop, un mouvement à la base noir et rebelle, où l’Amérique a tenté de faire taire le Rap, et où David Stern essaye tant bien que mal de bannir les chaînes et les baggys à travers l'hypocrite et discriminant NBA Dress Code.


En résumé, si les Américains blancs sont si peu représentés, c’est qu’au-delà des critères physiques fallacieux qui ne sont souvent que préjugés, ils se heurtent à leur réputation à la fois de Blanc et d’Américain, gringalets et peu techniques. La raison principale reste quand même le fait que le Basket est aux États–Unis un élément social et culturel, investi par le hip-hop. Cela dit, le talent passera toujours au-dessus de la barrière de la couleur de la peau.

8 commentaires:

  1. Je suis tout a fait d'accord avec toi. Ces clichés aujourd'hui tous les esprits (quelque soit l'origine ethique les préjugés perdures).
    J'avais moi même participé au débat sur BasketUSA et j'étais impressionné par la facon dont beaucoup s'improvisaientt spécialiste en physiologie ou bioméanique sur de tels sujets sans apporter aucune preuve (Et pour cause..).
    Je pense que la question aurait du être posée differemment afin d'apaiser les tensions :
    Pourquoi les européens blancs sont ils meilleurs que les américains blancs en NBA!
    Ca aurait, je pense permis un débat, a défaut d'être beaucoup plus pertinent ( là ce sont les sociologue de contoire qui aurait parlé), d'être moins polémique.

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  2. Je ne sais pas si ça sort du documentaire ou pas (l'ai pas vu), mais d'après dimemag.com, McAlarney pense que si les GMs et coach n'avait pas su qu'il était blanc, il serait en NBA et non en D-League (http://dimemag.com/2009/12/what-happened-to-all-the-white-american-players/).

    Sans rentrer dans le débat que ce documentaire a lancé, je pense que c'est une vision bien restreinte des choses. L'adage "the right man at the right place, at the right moment" est très caractéristique de la NBA. Il y a tout un tas de joueurs qui ont trouvé une place dans la ligue parce qu'ils étaient la bonne personne au bon endroit, au bon moment. Des joueurs comme Bruce Bowen ou Marcin Gortat auraient tout aussi bien pu voir les portes de la NBA se refermer sur leur nez jusqu'à la fin de leur carrière. A l'inverse, un joueur comme Terrell McIntyre, actuellement meilleur meneur d'Europe n'aura jamais la chance de fouler les parquets américains. Et pourtant, il est bien meilleur que des Kevin Ollie, Royal Ivey, etc... qui tournent dans les rosters depuis un bail. Blanc ou pas blanc, il y a un tas de joueurs meilleurs que des pensionnaires NBA qui n'ont pas la chance d'intégrer la ligue.

    De plus, aussi fort shooteur soit-il, McAlarney a quand même pas mal de problèmes indépendamment de sa couleur de peau. Il est effectivement assez limité au niveau athlétique ce qui pose des gros problèmes en défense. Mais s'il n'y avait que ça Nash et Calderon joueraient-ils en 30 minutes par matchs? McAlarney a principalement joué en 2 à Notre Dame et avec son petit mètre quatre vingt-trois, ça risque de coincer pas mal (ndlr: manger des contres à la pelle). Le décaler en meneur est difficile car même s'il ne s'en sort pas trop mal, il n'est malgré tout pas assez bon à ce poste pour espérer diriger une équipe NBA (prise décision parfois défaillante surtout lorsque la défense adverse est agressive, tendance à perdre des balles).

    Ainsi, Kyle McAlarney n'est pas en NBA et c'est loin d'être surprenant.

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  3. C'est vrai que le "la bonne personne au bon endroit, au bon moment" prévaut en NBA, mais le fait est que pour McAlarney, sa réputation lui a empêché d'être cette personne.
    Même si son rôle n'aurait été qu'épisodique, pavé de DNPs, un record de points inférieur à 10,un ou deux shoots extérieurs à rentrer pendant le garbage time, les GMs préfèrent en général drafter des Noirs. Jack McClinton, dont tu parles dans ton dernier article, me semble avoir un profil similaire, et pourtant lui a été drafté. Il est parti en Turquie, ce qui laisse penser qu'à défaut de faire mieux, McAlarney aurait au moins pu faire aussi bien.
    Je suis d'accord avec toi quand tu dis qu'il n'est pas surprenant que McAlarney ne soit pas en NBA, mais pourtant des joueurs qu'on peut difficilement qualifier de supérieurs y sont, et à valeur égale, avec un tour de draft perdu dans les profondeurs du second tour, le GM prendra souvent le Noir. Cela prouve bien la spécifité culturelle du basket, parce que malheureusement ça doit bien être une des seules situations où on engagerait un Black avant un Blanc.

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  4. McClinton est plus rapide que McAlarney (élément très important, même pour un simple shooteur comme on l'a vu avec JJ Redick ou Austin Nicholls lorsqu'il s'est essayé à l'Euroleague -> en tout cas c'est ce que dit son coach, Phillipe Hervé) et, contrairement à l'arrière de Notre Dame, il est capable de se créer son propre shoot. Ensuite, à l'instar de McClinton, McAlarney avait signé en Europe (à Nahariya en Israel) mais il est parti au bout d'un mois parce qu'il ne s'y sentait pas à l'aise (http://www.silive.com/sports/advance/gordon/index.ssf/2009/10/mcalarney_leaves_israeli_hoop.html). Donc, moi, si j'ai un choix à faire entre McClinton et McAlarney, je prends McClinton sans hésiter (sauf peut-être si le deuxième à une soeur bien plus jolie que le second, mais ça c'est un critère personnel).

    Quand à l'affirmation selon laquelle à compétence égale, c'est un joueur noir qui est choisi plutôt qu'un blanc, je pense qu'elle est beaucoup trop difficile à vérifier. Tout d'abord parce que deux joueurs exactement similaires n'existent pas, il y a forcément au moins un élément dans leur "personnalité basket" (Aspect physique, technique et mental) qui ne serait pas semblable. Après, on trouve effectivement moins de blanc en NBA (ou dans la draft) mais il faudrait comparer cette proportion de blancs avec celle qui joue au basket. Si sur tous les lycéens (j'aurais voulu dire licencié mais c'est pas ce système aux USA) qui jouent au basket, il n'y a que, disons, 20 % de blancs, il n'est pas illogique d'en voir environ 20 % en Nba ou à la draft.
    Je ne dis pas que la discrimination par rapport à la couleur de peau n'existe pas, je dis seulement que d'autres éléments doivent être pris en compte dans le constat du déséquilibre entre Blanc et Noir en NBA. En fait, il me paraît infiniment complexe de parvenir à des vérités sur ce sujet. Ici, on ne peut pas envoyer un CV anonyme et le même CV avec un nom à consonance particulière.

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  5. J'ai l'impression qu'on est d'accord sur ce point, et c'est pour ça que j'ai tenté de souligner la place particulière du basket d'un point de vue culturel.
    Aux Etats-Unis, les Blancs s'orientent beaucoup plus vers les autres sports, ce qui est évidemment important dans leur proportion finale en NBA.
    Ca reste une des principales raisons, le basket comme le rap est perçu comme un "mileu de Blacks". C'est pour ça que dans l'un comme dans l'autre le taux de réussite des Blancs est plus que faible. Pourtant, quand un rappeur ou un basketteur blanc et vraiment bon, pas de doute qu'il va réussir. Par contre, s'il n'a rien d'exceptionnel, même pas la peine d'espérer.
    Fatalement, les Blancs sont donc beaucoup plus attirés vers les autres sports, où leurs pairs ont réussi. Mis à part Larry Bird, aucun Blanc n'a vraiment été un joueur ultra-dominant dans la ligue : il est donc beaucoup plus dur de s'identifier, et même d'espérer pouvoir percer un jour.
    Ce qui m'amène à répondre au premier post : si les Européens blancs sont souvent supérieurs à leurs homologues d'outre-Atlantique, c'est parce que les Blancs américains talentueux s'orientent vers d'autres sports. A contrario, LeBron James aurait pu être un excellent joueur de foot US, mais ses idoles sont dans le basket, et c'est donc en toute logique qu'il s'est orienté vers ce sport.
    La place culturelle si particulière du basket aux Etats-Unis explique donc en grande partie les proportions ethniques qu'on peut y trouver, un joueur exceptionnel étant souvent capable de réussir dans bon nombre de sports.

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  6. C'est le premier article que je lit, je suppose que c'est celui dont tu m'avais parlé.

    Bonne continuation

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  7. Sujet intéressant.
    Une remarque personnelle : la majorités des arbitres, des entraineurs et du public sont des blancs. :-)

    Eric

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  8. Et si on regardait les équipes nationales, je pense que le constat ne serait pas le même.
    En effet, les équipes composées de joueurs blancs qui sont au top niveau sont majoritaires notamment avec la Serbie, la Russie, la Lituanie, la Croatie, la Grèce ou encore la Turquie. Et d'ailleurs les USA n'ont pas remporté la plupart des championnats du monde de basket je crois malgré leurs forts joueurs noirs.
    Et en supposant la supériorité du black pourquoi alors le basket africain n'est pas supérieur aux autres?

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